lundi 13 avril 2015

A propos de José Antonio Sanahuja : révolte symbolique prolétarienne, swag et subversion des univers culturels néo-libéraux (Vicent Franch i Ferrer)‏





        En décembre 2014, l'universitaire José Antonio Sanahuja, maître de conférence à l'université de Madrid publie une thèse qui provoque un véritable coup de tonnerre dans les milieux intellectuels espagnols. "El swag : retorno de la ideologia marxista y subversion de la cultura néo-libéral" (Le Swag : retour de l'idéologie marxiste et subversion de la culture néo-libérale) analyse la montée en puissance de la valeur "swag" comme facteur corrélé d'un retour de l'idéologie de la lutte des classes au sein des projections symboliques des acteurs. Se basant sur une base de donnée comportant les photographies de près de 2500 hommes politiques de toutes idéologies, Sanahuja montre ainsi que l'appropriation du "swag", autrement d'un contre-modèle de probité et de dignité par le prolétariat permet son insertion d'un mouvement contestataire inspiré du socialisme scientifique (marxisme) et une contestation de l'ordre et des valeurs symboliques de la société bourgeoise. Dans une conférence du 17 novembre 2014 prononcé à l'université andine Simon Bolivar de Sede en Equateur (Universidad Andina Simón Bolívar, Sede Ecuador), Jose Sanahuja affirme "La notion de swag , sous un vernis consumériste néo-libéral et impérialiste, constitue une véritable subversion symbolique des normes et valeurs de la société bourgeoise par le prolétariat. La lutte des classes nécessite la lutte de la classe" "Le swag constitue une forme de la retour à la dignité des classes dominées face à l'impérialisme culturel des univers symboliques néo-libéraux et américains, formant ainsi l'une des pierres angulaires de la reconnaissance de classe et du début de la lutte afin d'instaurer une société sans classe." Sanahuja, s'il reconnait que les swag est l'un des éléments formant la lutte des classes actuelles, parle également d'un "proto-swag" ou de "classe", qui se situaient à l'origine du mouvement ouvrier. Basant sa théorie sur l'analyse de photographies, Sanahuja démontre ainsi que l'appropriation de la "classe" par les couches populaire fût l'un des fondements du marxisme en action au XXe siècle et de la lutte des classes. Cette dimension n'est en revanche pas présente dans les partis bourgeois, comme en témoigne ce panel présenté par Sanahuja (Conférence UNINORTE 22 mars 2014)

Fig. 1 Joseph Vissariono Djougachvili, dit Staline, 1921





















Fig. 2 Lev Davidovitch Bronstein, dit Trotsky, 1921




Fig.3 Margaret Hilda Thatcher, 1950 
 






Fig.4 Ernesto Guevara, dit Che Guevara, 1952 
 





Fig.5 George Walker Bush, 1968



Fig.6 Rafael Sebastián Guillén Vicente (?) dit Sous-commandant Marcos, 2006
 



       Sanahuja considère ainsi l'extension transversale de la notion "swag" à travers les luttes du socialisme scientifique. Si l'on considère les Fig. 1/2/4/6, représentant les leaders de ces mouvements anti-libéraux ou anti-impérialiste, nous constatons une évolution chronologique constante de la notion de "swag", de ce que Sanahuja considère comme une forme de "proto-swag ouvriériste" (fig 1 et 2) en passant par la subversion de la symbolique culturelle bourgeoise (fig.4) pour finir par le renversement du paradigme socio-culturel vestimentaire et gestuel néo-libéral par l'affirmation d'une gestuelle et d'une attitude proprement prolétarienne et subversive marquée par l'accomplissement de la notion de swag (fig.6) de par la récupération d'éléments culturels subvertis et allégoriques (voir à ce sujet l'analyse de Pedro Gonzales Madrera, conf du 2 mars 2001, univ. de Mexico) : pipe, à la fois symbole phallique et homo-érotique, cagoule comme affirmation de l'unicité de la lutte et refus de l'"homo economicus" libéral, cheval, subversion d'un loisir bourgeois désormais retourné à son but productif originel et à son essence mouvante et révolutionnaire. Notons, que les fig. 3 et 5 ne peuvent être considérées comme médium et média de cette notion, dans la mesure où elles ne sont en rien subversion d'un ordre libéral mais accomplissement des univers symboliques bourgeois, bien en deça, selon Sanahuja des fig. 1/2/4/6. De la même façon, ce dernier explique en partie la victoire de Staline sur Trotsky en URSS de par l'écart en terme de charisme (voir ici le très bon ouvrage de de Boris Souvarine, Sur Lénine, Trotski et Staline, épuisé mais réédité chez Allia en 1998 et 2012) et de proto-swag ouvriériste : la reconnaissance du mouvement ouvrier a penché dans les années 1920 pour Staline (fig 1) plutôt que pour Trotsky (fig 2), de par le manque de subversion de la symbolique capitaliste de ce dernier.

        Nous pouvons donc considérer que le "swag", en tant que valeur et symbolique subversive de l'idéologie néo-libérale constitue l'un des plus profonds ressorts de la classe prolétarienne aliénée par une société du spectacle tournée sur la "classe" (valeur opposée et bourgeoise) et l'imposition d'un univers symbolique consumériste (voir Divertir pour dominer du collectif Offensive, 2010, L'Echappée) aliénant l'Homme dans la logique marchande.


Vicent Franch i Ferrer
in Solidaridad Obrera (février 2015), traduit par Antoine Laverdure (débat CNT Paris-17 mars 2015)
Creat.Comm. NC. ND. NA.

2 commentaires:

  1. ¡Grande! Necesito leer esa tesis... Ha sido mi profesor y hablaba de cosas más aburridas...

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  2. ¿E-s el mismo? ¿Ha revivido? http://anarquismo.jimdo.com/anarquistas-sa-sa/

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